Le Cinéma russe avec Nikita Mikhalkov
- Marie
- 28 avr. 2021
- 3 min de lecture

1980
À une époque où filmer son quotidien est interdit, un père, avec des chutes de pellicules va poser à Anna, sa fille, 5 questions, toujours les mêmes de ses 6 à ses 18 ans, fixant sur pellicule l’évolution d’une jeune fille d’URSS, de la perestroïka à l’occidentalisation de son monde.

Et c’est un journal intime qui prend forme. Il parle des aspirations d’une fille qui devient femme, il ouvre une fenêtre sur ses émotions. Ce père c’est Nikita Mikhalkov et 30 ans plus tard c’est un autre père qui s’apprête à faire découvrir un de ces plus beau film à ses filles.
2003
«-Il a l’air nul ce film papa »
Bien sûr papa ignore nos remarques désobligeantes et lance le film.
Une petite heure plus tard, un air sournois sur le visage, il s’empare de la télécommande, met sur pause et se tourne vers ma sœur et moi « alors ? On arrête ? »
Certainement pas
Les poissons ont mordus, Ophélie et moi, calées dans le canapé, sommes complètement fascinées par l’histoire qui se déroule sous nos yeux.

Dans une Russie qui découvre le 20eme siècle, un jeune cadet tombe amoureux d’une américaine sur la musique d’un autrichien. C’est international, bouleversant, intemporel, c’est le Barbier de Sibérie, et c’est un feu d’artifice, de couleurs, d’émotions, de vie !
On voit dans le cinéma de Nikita Mikhalkov ce qu’on lit chez les auteurs russes : la passion. Les sentiments ne sont pas cachés, ou vécus à moitié. Tout est trop grand, trop surdimensionné dans ce pays. On est contraint d’y vivre si fort que c’en est presque trop. Que pouvait faire ce pauvre cadet, ignorant tous des choses de la vie face à la force herculéenne de ses sentiments ? Rien si ce n’est les vivre. Et c’est bien cela qui semble surprendre une américaine rompue aux jeux des hommes. Elle est surprise par toute cette violence de sentiments et finit par s’y soumettre, malgré elle et en dépit de ce que la vie lui a déjà appris.
Après ce film je me suis abreuvée des réalisations de Nikita Mikhalkov comme un assoiffé trouvant un puits dans un désert. Trouvant dans chacun de ses films un peu plus d’émotions et de tourmente mais surtout de passion. Trouvant dans chacune de ses histoires une puissance de vie que seuls les russes savent exprimer.
Dans Soleil Trompeur c’est l’amour d’un père pour sa fille qui m’a émue. Tandis que l’histoire s’acharne à vouloir me montrer quelque chose de politique, veut m’orienter vers une certaine idéologie parfois ; c’est encore une fois la passion qui prend le pas. Et c’est tout à fait stupéfait que l’on se retrouve non plus spectateur mais acteur d’une histoire qui ne se déroule pas sous nos yeux mais en nous. Nikita Mikhalkov raconte avec Oleg Menchikov et sa propre fille tout les amours que l’on vit, avec tant de force qu’on s’en retrouve touché au plus profond de soi.

2021
À 15 ans, Le Barbier de Sibérie m’a appris ce que vivre pouvait être, que ressentir trop c’était encore ne ressentir pas assez. À 20 ans il m’a rappelé les douleurs et les impasses que la vie nous impose parfois inévitablement. Et aujourd’hui ? Plus de 10 ans après ce premier visionnage magique ? Il me rappelle aussi que tout est politique, que l’origine de la jeune femme et la passion d’un jeune russe fougueux et fier, rendu malade par une américaine de petite vertu, raconté par un homme aujourd’hui proche de Poutine n’est pas tout à fait innocente. On oppose alors le russe passionné à l’américaine réfléchie, l’homme abandonné à ses sentiments à la femme calculatrice. Celui qui se sacrifie à celle qui fuit.
Je ne sais plus désormais de quoi il est question, d’amour ? De politique ? De guerre des sexes ? Ou tout simplement d’une histoire vieille comme le monde vécue dans un pays qui semble vivre plus fort que les autres, qui n’a pas peur de se rendre malade d’amour et qui place sa noblesse dans sa fierté.
Encore aujourd’hui je conserve précieusement les dvd de ces trois merveilles qui sont, pour une raison que j’ignore, bien peu connues du grand public. Ils sont une précieux sésame vers une vie où les couleurs sont plus vives, les sentiments plus forts, la vie plus intense, et où l’on se prend un instant à l’idée de partir vivre à la russe tel que Nikita Mikhalkov nous l’apprend. Puis le film se termine, la vie reprend son cours, la réalité reprend ses droits et il n’appartient désormais qu’à nous de décider, malgré cette réalité parfois bien morne, de vivre plus fort pour peut-être vivre mieux.
-Marie-
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