Lumière sur : Her, de Spike Jonze (2013)
- Le Poulpe
- 7 avr. 2021
- 2 min de lecture

Dans un futur relativement proche, Theodore, qui travaille pour une société qui produit de fausses lettres manuscrites personnalisées, devient propriétaire d'un programme informatique avancé du nom de Samantha, qui commence à créer avec lui une relation inattendue... Un énième film sur l'amour impossible entre un humain et une intelligence artificielle ? Un peu, mais pas vraiment. Grâce à la singularité de la relation qu'il dépeint, Her est un objet un peu unique en son genre, car Spike Jonze réussit le tour de force de nous intéresser à une romance dont on ne voit concrètement qu'un seul des protagonistes.
Le deuxième n'est qu'une voix, mais devient beaucoup plus alors que la romance progresse, principalement grâce au talent de Scarlett Johansson, qui, par sa seule présence vocale, parvient à faire passer Samantha par une multitude d'émotions et de situations différentes. En témoigne l'une des scènes les plus réussies du film, le premier dialogue entre Theodore et Samantha, qui commence par un timide « Hello, I'm here » de l'intelligence artificielle. Cette scène, dans laquelle Scarlett Johansson joue parfaitement l'émerveillement d'un enfant qui découvre le monde, permet au spectateur de s'attacher immédiatement à ce « personnage » plutôt étrange.
Dans Her, le réalisateur tente d'aller au-delà de la comédie romantique en offrant une étude de personnage centrée sur son héros : Theodore représente l'homme solitaire moderne, qui se plonge dans la technologie (même lorsqu'il s'agit d'assouvir des besoins sexuels) pour ne pas avoir à affronter de réelles émotions (comme, par exemple, la fin de son mariage). Joaquin Phoenix est parfait dans le rôle du type paumé qui utilise son travail (la rédaction de lettres sentimentales pour le compte d'autres personnes) comme exutoire. Entre un homme aussi vulnérable et une intelligence artificielle, peut-on trouver une réelle connexion ? Her nous prouve que oui, grâce à Phoenix et Johansson, qui jouent leur histoire d'amour comme s’ils étaient face à face.

Cette histoire d'amour, le réalisateur la raconte également avec l'image, et grâce à une photographie lumineuse et colorée, nous immerge sans difficultés dans son Los Angeles semi-futuriste (on note parfois dans la manière de filmer une esthétique tout droit sortie des clips que Spike Jonze a réalisés pour Arcade Fire, R.E.M. ou encore Sonic Youth). Tous ces éléments combinés font du film une expérience émotionnelle et visuelle extrêmement prenante, qui nous ferait presque oublier le manque de véritables surprises dans l'intrigue.

Malgré un côté volontairement auto-parodique (une jolie trouvaille vient du fait que ce sont les personnages eux-mêmes qui choisissent, voire même composent les chansons mélancoliques qui rythment la bande son), l'histoire entre Theodore et Samantha progresse de façon relativement prévisible, jusqu'à son dénouement doux-amer. Cependant, ce n'est jamais véritablement dérangeant tant le film se passionne pour ses personnages (on peut d'ailleurs noter la présence de quelques second rôles sympathiques, notamment Amy Adams et Chris Pratt, plutôt drôle). Spike Jonze nous raconte tellement bien leurs joies, leurs peines, leurs besoins et leurs désirs qu'on finit par se demander s'il n'a pas mis un peu de lui-même dans les personnages de Her.
- Vincent Déjardin -
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