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Ceci n'est pas une critique



Ceci n'est pas un film | 2011 - 1h15

Réalisateurs: Mojtaba Mirtahmasb et Jafar Panahi


Ceci n'est pas un film est pour moi un “essai audiovisuel” qui jeu avec les formats classiques de la cinématographie. En 2010 le réalisateur Jafar Panahi est arrêté par les autorités iraniennes sous le prétexte de participation aux propagandes contre le régime au pouvoir. À l'attente d'un verdict de la cour d'appel, qui pourrait l'envoyer en prison pour 6 ans et qui lui interdirait de réaliser des films pendant 20 ans, il expérimente des façons différentes de continuer avec son travail depuis chez lui, sans violer la loi. Un témoignage de son quotidien qui se rapproche du documentaire, car il dénonce aussi la réalité de tous les cinéastes du pays.

L'envie pure d'avoir une camera entre ses mains, de raconter des histoires, de dénoncer l'injustice et de filmer la réalité telle qu'il est en train de la vivre, forcent à Panahi et à son collègue Mojtaba Mirtahmasb à pousser leurs limites. Un prisonnier dans sa propre maison. Un réalisateur qui ne peut pas réaliser. Une iguane qui grimpe sur des étagères à la place des arbres. Un compagnon de tournage fidèle qui doit quand même partir. Le chaos et l'euphorie d'une fête nationale dédiée au feu. Et un héro surprise qui amène de la joie dans un univers mélancolique. Voici les scènes contradictoires d'une tragédie de 2010 à laquelle nous pouvons tous facilement nous identifier aujourd'hui, en 2020.





À l'heure que j’écris ces lignes nous sommes toujours plongés dans cette nouvelle et révolutionnaire époque marquée par la crise du Covid-19. Où le régime autoritaire est un virus et où l'assignation à résidence est aussi la peine. Confinés chez nous pendant des mois, nous partageons désormais une expérience commune avec des centaines de milliers de personnes. Certains, comme Panahi, ont opté pour se mettre au boulot. D'autres se sont consacrés à des activités chronophages mais qui les comblaient. Pour moi, le temps passait plus lentement, et procrastiner est devenu une routine. Jusqu’au jour où l'esprit de créateur s'est emparé de moi, et aujourd'hui je sors d'une longue léthargie pour exclamer « présent » depuis les rangs du Poulpe Savant, qui m'accueille en tant que chroniqueur.

Même si depuis le début je le voyais dans ses yeux et dans ses soufflements, j'ai quand même confirmé que nous partagions la même sensation (avec quelques nuances) quand le réalisateur a dit cela devant la caméra et en confidence avec son ami: « j'en ai marre de rester à la maison depuis des mois. Autant mettre ce temps à profit ». À ce moment je me suis rendu compte que lorsque je découvrais cette étrange sensation d'auto questionnement constant et frustrant depuis mon canapé, monsieur Panahi l'avait déjà vécu il y a 10 ans. Et maintenant c’est impossible de ne pas sentir une sorte d’admiration pour lui et sa résilience cinéphile. C'est comme s'il était dans le futur.

Dans ce documentaire improvisé, on nous montre une journée du quotidien de Panahi. Où le rythme de vie calme s'oppose à l'angoisse interne de l'inaction. Une journée où les caméras lui offrent non seulement une fenêtre vers le monde pour pouvoir exposer sa situation et exprimer ses pensées. Mais aussi l'opportunité de dessiner un portrait de tous les créateurs et auteurs qui doivent faire face à des obstacles qui leur empêchent de créer.




Comme son titre l'indique, la forme de ce film n'est pas claire, ses intentions non plus. Et pourtant, il arrive à rassembler toutes les pièces dont un film a besoin. Il est vif, il est d'actualité, il est intéressant, il a un sujet captivant et il raconte un message engagé, à travers les morceaux de réalité que Panahi et Mirtahmasb décident de nous montrer. Il est peut-être pauvre en technique, mais il est très riche en inventivité.

Entre témoignages au premier plan devant son petit déjeuner, mises en scène imaginées d’un film inachevé et conversations au plan et contre plan avec un iPhone et une caméra de cinéma, ce film transgresse les barrières des genres et des formats, et il s'inscrit définitivement dans ma liste d'exemples à suivre. J’ai appris que Jafar Panahi et le cinéma iranien méritent un coup d’œil et, si j’ai la chance de l’étudier un peu plus, je serais ravi de partager mes découvertes avec vous. Donc, je te dis à une prochaine fois, cher lecteur.


César Noguera Guijarro

 
 
 

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