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Critique de Sorcières - La puissance invaincue des femmes de Mona Chollet



Sorcières, le bestseller de Mona Chollet, est un formidable point de vue personnel, mettant les mots sur ce que ressentent ceux qui sont sensibles à la cause des femmes. Comme le dit si bien l’autrice, la figure de la sorcière hante les féministes actuelles. En atteste la création de WITCH, un mouvement pour la libération des droits des femmes crée en 1968, qui a été repris par des militantes contemporaines, notamment lors du Black Lives Matter ou encore en réaction contre Donald Trump. Il est intéressant de remarquer que lors de la défaite d’Hilary Clinton, certains détracteurs avaient entonné « The witch is dead », la chanson de la mort de la sorcière du Magicien d’Oz, déjà entendue lors de la mort de Margareth Thatcher.


Crédit : Stephane Burlot / Hans Lucas


La sorcière dans l’imaginaire collectif


Dans l’imaginaire collectif, les sorcières ont toujours été repoussantes. De la sorcière de Blanche-neige à celle de Hansel et Gretel, bon nombre de récits brossent le portrait d’une femme effrayante. De nos jours, de Ma sorcière bien aimée à Charmed, en passant par Buffy contre les vampires ou Harry Potter, elle est devenue positive.

Aujourd’hui, les femmes, par défi, se sont emparées de cette figure, comme un pied de nez à ceux qui veulent enlever leur liberté.

Mais ce livre n’est pas sans nous rappeler qu’au-delà des récits et des séries télé, la chasse aux sorcières a amené à des siècles de souffrance.

En effet, Mona Chollet nous montre que, l’image de la sorcière a été mise à distance. Il est alors indispensable de regarder cette réalité en face. S’y confronter, c’est ouvrir les yeux sur la négation d’un épisode de l’Histoire.


La négation de l’Histoire


Tout d’abord, Mona Chollet balaie les croyances que nous avions sur les chasses aux sorcières. Elles n’ont pas eu lieu lors du Moyen-Âge, mais lors de la Renaissance. Oui, c’est bien lors du temps glorieux, qui remit l’humain au centre, qu’eurent lieu des exécutions de milliers de femmes.

C’est paradoxal, non ? Comme si, avant de créer l’Homme moderne, il fallait balayer les femmes de l’ancien temps.

Car oui, c’est bien une bataille contre des femmes qui a été menée, pas contre les hommes. Elles devinrent les boucs-émissaires, un fait institué par les élites et les classes cultivées de l’époque.

Les chasses aux sorcières ont été l’excuse pour éliminer les femmes qui prenaient de plus en plus de place dans l’espace social. Ainsi, les femmes détentrices d’un savoir, comme les guérisseuses ou les sages-femmes, étaient persécutées car, la Renaissance, tentant de mettre en place la science moderne, ne reconnaissait pas ces savoirs-là.

Mais nous apprenons que petit à petit, chaque pas de travers pour une femme pouvait la faire accuser de sorcellerie. Ainsi cela les a conduit à se montrer dociles et discrètes.

Pour ma part, j’ai trouvé ce constat terrible, jusqu’à ce que je tombe sur un passage qui explique qu’après la fin des chasses aux sorcières, la loi a pris le relai. Il n’y avait alors plus besoin de brûler les sorcières, sachant que la loi bridait l’autonomie des femmes. Par exemple, le Code civil de 1804 consacre l’infériorité de la femme face à son mari. Dès la fin des chasses à sorcières à aujourd’hui, les femmes ont été assignées à la mise au monde de la future main d’œuvre.


L’injonction des femmes


Même si les chasses aux sorcières sont finies, l’autrice nous montre qu’elles ont pris, en quelque sorte, d’autres formes.

Mona Chollet nous rappelle que les sorcières favorites des chasses furent les vieilles femmes. L’image négative, repoussante, de la vielle femme rappelle l’obsession actuelle pour la course à la jeunesse. De nos jours, par exemple, il n’est pas rare de voir des femmes se teindre les cheveux lors de l’apparition des premiers cheveux blancs.

La société bloque l’indépendance des femmes. En effet, elles ont, pendant longtemps été centrées principalement autour de la reproduction.

Pour les femmes qui ont voulu faire carrière, l’injonction à devenir mère a pu être un frein à leurs ambitions. Parfois être mère donne le risque d’être « fondue », selon les mots de l’autrice. C’est-à-dire qu’on va réduire les femmes à des rôles stéréotypées. Par exemple, quand les femmes sont revenues dans le milieu médical, principalement masculin, on leur a donné des rôles d’infirmières. Cela rappelle la répression des sorcières guérisseuses ou soignantes.

Et même si une femme souhaite vraiment faire des enfants, s’installent d’autres injonctions, comme celle de bien tenir le foyer ou encore d’être une bonne mère. Pour celles qui décident de donner la vie, elles seront confrontées à la violence gynécologique. Certains gynécologues ont une grave tendance à ignorer le consentement des patientes.

Etant un homme cis, je ne suis bien sûr pas concerné par les violences gynécologiques, mais les témoignages sur des comptes Instagram comme « Balance ton utérus » ou les #respectemonvagin confirment ces violences gynécologiques ou obstétricales.

Mona Chollet met en exergue que le milieu médical actuel est composé en majorité d’hommes et que cette mainmise, héritée de la chasse aux sorcières, était le moyen de contrôler le corps des femmes.

Et pour rajouter une couche dans l’injonction des femmes, il y a aussi le diktat du jeunisme. Ainsi, les femmes, qu’elles aient décidé ou non de fonder un foyer, vieillissent inévitablement et, le regard de la société sur le vieillissement des femmes diffère quant à celui des hommes.

Nous avons vu plus haut que les femmes, en majorité, se teignaient les cheveux dès la première apparition des cheveux blancs, de peur qu’elles soient mal perçues. A cela se rajoute la peur de se faire quitter par les hommes pour des femmes plus jeunes. De plus, la société a tendance à fermer les yeux sur la sexualité des femmes vieillissantes.

En vieillissant, les femmes, qui non seulement ont vu la difficulté d’être une femme dans un monde d’hommes, voient en outre celle d’être une vieille femme.


Tirer les leçons du passé


Ce livre, sorti peu après « Balance ton porc », mouvement qui en a inspiré d’autres comme #meetoo, semble plus que salutaire. En effet, en mettant en lumière des événements historiques finalement méconnus, Mona Chollet nous montre comment les femmes en sont arrivées à leur libération progressive.

Les mauvais traitements faits aux femmes, qui ont été dénoncés lors des mouvements féministes tout au long du XXème siècle, sont le reflet de la domination des hommes sur les femmes, qui a pris plus d’ampleur dès la Renaissance, une période de l’Histoire dite « éclairée » qui a fait reculer leurs droits dans tous les domaines. Le contrôle des femmes institué à cette époque par les classes cultivées, est toujours en cours aujourd’hui, que ce soit dans la sphère politique ou médicale.

La persécution des sorcières montre les choix qui ont été fait dès cette époque. Sans cela, la société actuelle aurait été autrement. Les femmes ont été des boucs-émissaires, diabolisées.

Le pire dans tout cela, c’est de voir que le pouvoir a pris le relais. Dès lors, les femmes ont dû se battre pour leurs droits. Il est important que même si aujourd’hui, elles en ont gagné de nombreux, nous devons tous être vigilants, comme en atteste récemment les lois pénalisant l’avortement votées dans certains états des Etats-Unis ou encore, dans certains pays d’Europe.

La force de ce livre est de dire qu’en n’oubliant pas la grande Histoire, nous avançons vers plus de droits et devons faire preuve de vigilance.


Quelques pistes de réflexion :


- Vieille branche, série de podcasts sur Nouvelles écoutes

- La chasse aux sorcières n’est pas le fait du Moyen Âge..., article sur le site de France Inter

- La Servante écarlate, roman de Margaret Atwood, ou la série télévisée

- King Kong Théorie, de Virginie Despentes

-Dimitri Iatosti-

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