Les Courts-métrages : L’Oreille du pianiste (Lisa Diaz | 2014 | France)
- Le Poulpe
- 24 févr. 2021
- 3 min de lecture

Dans un tout autre registre, intéressons-nous à L’Oreille du pianiste. En 1928, un pianiste travaillant pour le cinéma muet élabore un nouveau et étrange instrument pour s’adapter à l’émergence du cinéma parlant, un piano composé de cordes vocales! N’étant pas seul à subir ce changement, une actrice du cinéma muet doit, elle aussi, s’adapter au parlant.
Ce court-métrage s'interroge sur les conséquences qu’a pu avoir cette période historique du passage du muet au parlant sur plusieurs métiers du cinéma, notamment les musiciens et les acteurs. Mêlant historique (voir les gens fumer dans les salles de cinéma par exemple) et fantastique, il est intéressant de voir que cette transition a été troublante et perturbante, poussant même notre personnage principal à voler les cordes vocales de personnes et d’animaux pour créer son piano «parlant». Cet aspect irréel intrigue notre curiosité en nous demandant jusqu’où le fantastique peut aller dans ce court-métrage. D’autant plus que ce genre semble aussi se mêler à l’horreur. Le fantastique paraît tellement réel (oui ce n’est pas du surnaturel sensationnel à la Marvel) que lors des scènes d’extractions de cordes vocales, le spectateur peut ressentir du dégoût, voir de l’horreur de part ces moments insoutenables.
Cet aspect d’horreur est d’autant plus accentué car l’ambiance durant tout le métrage est lugubre, froid, sans couleur et surtout avec une économie de paroles (rappel des films en noir et blanc muets? Sûrement !). Il y a aussi une absence du son qui nous plonge dans une atmosphère malaisante, comme si quelque chose de grave allait arriver. Effectivement, notre pianiste est assez étrange, nous ne savons rien de lui, il ne parle pas, ne sourit pas et est en quête perpétuelle de son afin de perfectionner son métier, tout comme un chasseur. Mais que fait-il de ses victimes auxquelles il retire les cordes vocales ? Est-il un criminel ? Jusqu’où va t-il aller pour sauver son métier?

Le personnage de l’actrice, qui souffre de devoir parler devant la caméra, nous pousse encore à nous questionner sur ce pianiste. Celui-ci semble vouloir l’aider dans son angoisse (on ne vous dit pas comment, pas de spoil !) et elle paraît ravie par la suite. Du coup, le pianiste est-il un libérateur, un gentil, ou une victime de son temps? Cependant, il est tellement complexe de cerner ces personnages que nous n’arrivons pas à s’y identifier.
Dernier point surprenant, ces sons et ces paroles sont des personnages à part entière dans ce court- métrage. Il y a tellement peu de sons, qu’un simple bruit nous interpelle. Le spectateur devient tout de suite curieux et s’interroge sur l’utilité de ce bruit. Une voix peut sembler tout de suite étrange, comme quelque chose qui n’a pas de sens et qui n’a pas sa place dans le déroulement de l’intrigue. Contrairement aux films d’aujourd’hui, nous nous intéressons plus au son qu’à l’image. Le son a une histoire et une évolution, c’est lui que le spectateur suit tout comme un personnage en voulant savoir ce qu’il va advenir de lui à travers ces péripéties.
Court-métrage déstabilisant de part son ambiance et par sa gestion du son dont nous, spectateurs, ne sommes pas habitués, mais qui pique notre curiosité par une intrigue originale. Malheureusement, énorme distance avec le spectateur, difficile de ressentir des émotions à cause des personnages. Hommage au cinéma muet, d’autant plus qu’il a été filmé en pellicule 16 millimètres, pour la petite anecdote.
Si vous vous intéressez à d’autres œuvres qui racontent la transition du cinéma muet au parlant, REGARDEZ :
- Chantons sous la pluie, 1952, de Gene Kelly et Stanley Donen
- The Artist, 2011, de Michel Hazanavicius
-Léna Vadcar-
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