Mindhunter : quand le FBI se met à la psychologie
- Estelle Favant
- 10 mai 2021
- 3 min de lecture

Que ce soit avec Seven ou Zodiac, on peut dire que David Fincher nourrit une obsession pour la figure du tueur en série. Mais ce qui l'intéresse avant tout, c'est la manière dont la société les voit.
Avec la passionnante série Mindhunter, dont il est le showrunner, il explore ce moment où la psychologie a révolutionné la perception des criminels.
Le profilage, qu'est ce que c'est ?

Mindhunter raconte la collaboration entre deux agents du FBI, Holden Ford et Bill Tench, et la chercheuse Wendy Carr, pour un projet de recherche inédit : interviewer des criminels pour dresser leurs profils psychologiques. Nous sommes à la fin de années 1970, et ils viennent d'inventer le profilage.
Cette méthode se sert de la psychologie pour résoudre des enquêtes criminelles. Le premier cas de profilage connu (avant que le terme existe), c'était du temps de Jack l'Eventreur en 1888. En examinant les blessures de ses victimes, le chirurgien Thomas Bond en a déduit que le tueur devait être un homme misogyne avec une connaissance du milieu médical...
Mais c'est dans les années 1970 que le profilage devient un outil solide pour les enquêteurs. Les protagonistes de Mindhunter sont basés sur de vrais personnes. En 1976, les deux agents du FBI John E. Douglas et Robert Ressler et la chercheuse Ann Burgess commencent tous les trois des recherches au sein de la toute jeune Behavioral Science Unit (Unité des Sciences Comportementales). C'est d'ailleurs l'agent Ressler qui invente le terme "tueur en série", qui lui vient... de l'analogie avec les séries TV! A chaque épisode d'une série, il y a un cliffhanger qui donne toujours plus envie de continuer, tout comme le tueur en série répète ses crimes car il n'est jamais pleinement satisfait. Dans Mindhunter, on suit donc les trois compères parcourir les prisons à travers les Etats-Unis pour rencontrer des criminels ayant réellement existé, comme Ed Kemper ou Charles Manson. Les séquences d'interviews sont elles aussi basées sur de vrais enregistrements.

Le profilage, est-ce que ça marche?
Durant la première saison, on suit tout ce travail de recherche qui est nous est rendu très accessible. C'est comme une introduction ludique à la criminologie. Puis la série prend une nouvelle tournure lorsque la théorie se mêle à la pratique. Parce que l'interêt du profilage criminel, c'est notamment de résoudre des enquêtes ! L'idée est de déduire le profil psychologique du tueur d'après la scène de crime. Si on connait le profil, on peut plus facilement le trouver ou anticiper ses futurs crimes. Dans la saison 2, les agents sont tiraillés entre leurs recherches et leur participation comme enquêteurs sur le terrain. Mais les recherches ne vont pas assez vite pour leur permettre de résoudre des crimes urgents...
C'est en partie pour cette raison que le profilage est critiqué aujourd'hui : on a jamais vraiment pu prouver son efficacité. C'est une méthode basée sur les hypothèses de l'enquêteur : elle est donc très subjective. Le profilage n'est pas une science exacte, à cause notamment de l'effet Barnum : on peut penser qu'un profil de tueur correspond exactement à un suspect, alors qu'en réalité ce n'est qu'une vague description qui pourrait être associée à plein d'individus. On retrouve l'effet barnum lorsqu'on pense être les seuls à se reconnaitre dans un horoscope ou un test de personnalité.
Les années 1970, une période révolutionnaire

Si on est pas sûrs que ça marche, pourquoi une telle fascination pour le profilage dans les séries et les films? Sans doute car les spectateurs ont toujours eu une fascination pour les tueurs. Peut-être aussi parce que étudier leur psyché permet de les démystifier. Dans Mindhunter, le tueur n'est plus un monstre inhumain, mais un personnage avec lequel on discute autour d'une table, parfois pas si éloigné des protagonistes. Et puis, tout simplement, le profilage est l'occasion pour Fincher de raconter un moment révolutionnaire dans les sciences sociales. Le FBI, jusqu'ici très conservateur dans ses méthodes, commence enfin à prendre la recherche au sérieux. C'est aussi une époque où le féminisme prend de l'ampleur. Les protagonistes, à travers leurs recherches, se remettent eux aussi en question.
Au milieu des nombreuses séries criminelles actuelles, Mindhunter vaut le détour pour son éclairage unique sur ce genre. Après la saison 2 qui nous avais laissé en suspens, Fincher avait annoncé une pause indéfinie. On peut garder espoir, même si rien n'a encore été annoncé : il semblerait qu'il soit en discussions pour une saison 3.
-Estelle Favant-
Comments