Retour en Enfance : Le Château Ambulant

Hayao Miyazaki | 2004 | Japon

Continuons avec un animé japonais du studio Ghibli, pour enfant et pour adulte! Sophie, une jeune fille de 18 ans, vit paisiblement en travaillant dans la boutique de chapelier que tenait son père. Un jour, alors qu’elle traverse la ville, Sophie fait la très brève rencontre du magicien Hauru, connu pour être un tyran. Malheureusement, une sorcière n’accepte pas cela et jette un sort sur la jeune fille, afin qu’elle se transforme en une vieille femme de 90 ans. Sophie décide alors de s’enfuir et se retrouve dans le château du magicien en tant que femme de ménage. Celle-ci se confrontera malgré elle à la malédiction d’Hauru.</DIV>

Comme la plupart des œuvres de Miyazaki, Le Château Ambulant est un long métrage qui touche les enfants mais aussi les adultes, et qui a connu un grand succès, notamment nominé en 2006 pour l’Oscar du meilleur film d’animation.

De part son audace narrative, nous sommes plongés dans un film d’animation que nous avons très peu l’habitude de voir. En effet, ce conte à plusieurs couches se déroule dans un monde fantastique où la magie semble pouvoir tout faire comme transformer une jeune fille en vieille dame, faire qu’un château puisse se déplacer ou encore marcher dans les airs. Nous avons aussi tout un tas de personnages fantastiques, méchants ou gentils, se mêlant à la vie réelle, auxquels le spectateur peut s'identifier. Autant dire que cet univers n’a pas eu de limite dans l’imagination de Miyazaki, qui s’est inspiré tout de même du roman Le Château qui Hurle de Diana Wynne Jones. Le spectateur, enfant comme adulte, se retrouve alors dans un monde où tout est possible mais où les problèmes de la vie réelle, notamment la guerre, font rages. L’originalité de cette œuvre se retrouve aussi dans les personnages qui sont en contrastes avec les codes de film pour enfants. Tout d’abord, notre héroïne, Sophie, est une vieille dame, d’habitude ce sont des jeunes filles ou des princesses, et particulièrement jolies. D’autant plus que le personnage de la vieille est souvent une méchante femme dans les films d’animations. Aussi, le propriétaire du château, Hauru, est en contraste avec les codes du héros, celui-ci a un physique androgyne et est très préoccupé par son apparence. Néanmoins, les personnages restent assez flous, notamment Calcifer, le démon du feu, est-il méchant ou gentil ? Cette question se pose à beaucoup de personnage dès le début de l’œuvre. Ils peuvent être très enfantins tout comme très matures et avec le sens du sacrifice, ce qui pousse le spectateur à s’accrocher aux personnages afin de mieux les comprendre et de découvrir les mystères qui les entourent.

Le personnage de Sophie et le sort qu’elle a reçu sont très intéressants à observer car ils évoluent tout au long du film. Malgré son état de vieille femme, elle connaît dans ce château une vie bien plus excitante qu’en tant que jeune fille. Elle ne se laisse pas abattre et décide d’avancer dans sa vie sans a priori. Elle s’accepte comme elle est avec ce sort et avec beaucoup d’humour. Paradoxalement, être à un âge proche de la mort la rend plus vivante et pleine de joie. De plus, elle souffre physiquement, mais contrairement au jeune Marco qui vit dans le château et au jeune Hauru, c’est elle qui est la plus active dans la demeure. Nous suivons son évolution en même temps qu’elle embellit la maison et la vie de famille qui s’y trouve. Autant dire un personnage plein d'énergie et de bonne volonté auquel nous avons envie de ressembler. Protagoniste qui fait disparaître les concepts de la laideur et de la beauté, de la jeunesse et de la vieillesse.

L’histoire d’Hauru n’est peut-être pas très joyeuse mais elle permet une critique de la guerre à travers ce film. En effet, le combat du magicien n’est pas contre quelqu’un en particulier, mais contre le principe de guerre, antimilitariste. Il n’y a pas de gentil ou de méchant à ces yeux, mais seulement des victimes, notamment des civils (à cause des bombardements) qu’il décide de protéger coûte que coûte. Personnage qui permet aussi l’éloge de la nature car celui-ci semble heureux seulement dans cet univers dépourvu de l’industrie de l’homme, seul endroit où l’amour et la paix semblent possible. Protagoniste qui fait disparaître les concepts du bien et du mal.

Enfin, ce film d’animation n’est pas seulement plaisant par son intrigue, mais aussi pour sa technique. Étant dans un monde avec plein de magie, nous avons énormément de couleurs à l’écran, que ce soit dans des décors très sombres ou des décors étincelants, allant de paysages urbains à des paysages ruraux, avec une esthétique assemblant l’ancien et le nouveau. Nos yeux sont toujours en éveil. Contemplation de la nature à travers des dessins de paysages époustouflants. Nous voyageons dans plusieurs scènes avec des physiques totalement différents. Ainsi, le spectateur ne peut appréhender ce qui va se passer, dans quelle création allons-nous ? Quel personnage allons- nous suivre ? À qui vont-ils être confrontés ? Un mélange de différents mondes mêlé à un tourbillon d’émotions qui accroche le public.

Un chef d’œuvre d’animation techniquement et scénaristiquement, qui nous transporte dans un imaginaire merveilleux et poétique sans limite à travers des personnages et des mondes mystérieux d’où ne nous voulons plus sortir.

Léna Vadcar