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Une femme dans le frigo

Dernière mise à jour : 15 août 2020



Que signifie ce terme étrange ? Il s'agit du nom d'un site internet créé par Gail Simone présentant une liste de personnages féminins issus des comics tuées, blessées ou privées de leurs pouvoir simplement pour les besoins de l'histoire. Ce site, datant de 1999, dénonce évidemment des pratiques scénaristiques où les femmes sont mutilées pour faire avancer le récit d'un héros masculin.


L'idée lui est venue d'un évènement survenu dans le comics n*54 de Green Lantern dans lequel Kyle Rayner (le héros) rentre chez lui et découvre que sa petite amie, Alexandra De Witt, a été torturée puis tuée par le méchant Major Force qui l'a placée dans le réfrigérateur. Dans ce cas là, comme dans beaucoup d'autres cas référencés sur le site internet, le personnage féminin est uniquement utilisé pour le développement d'un personnage masculin.


Gail Simone (29 Juillet 1974 - Oregon) se fait donc connaître grâce à son site internet Women In Refregirator. Elle publie en ligne cette fameuse liste et l'envoie également là des maisons d'éditions, et des scénaristes. En retour, elle reçoit deux types de réactions: des négatives qui la traitent de féministe radicale, et d'autres positives qui vont lui ouvrir des portes. En effet, cette initiative va lui permettre de travailler pour DC Comics et Marvel, notamment sur les comics Batgirl (bientôt adaptés en série), Birds Of Prey (bientôt adaptés au cinéma) mais aussi Deadpool pour en citer les plus connus.



Le mouvement qu'elle a initié, et qui s'apparente à du pop féminisme, a été largement suivi et diffusé par d'autres intellectuels, comme John Bartol qui écrit à ce sujet un article s'intitulant "La décongélation des hommes morts". Reprenant les principes de Gail Simone, il rajoute le fait que les personnages masculins, même si blessés ou tués, reviennent toujours à un moment donné à un statu quo, contrairement aux personnages féminins. Par ailleurs, dans "Dangerous Curves : Action Heroes, Gender, Fetishism and Popular Culture" Jeffrey A. Brown offre une synthèse expliquant que dans la plupart des cas, les hommes bénéficient d'une mort héroïque en plus de pouvoir revenir à la vie, alors que les femmes ont une mort plus banale et qui plus est définitive.


Ainsi, le concept est devenu un véritable syndrome, nommé le "syndrome de la femme de le frigo" (évidemment) et qui se définit par l'utilisation de la mort ou de blessures graves pour un personnage féminin en tant que pur moyen scénaristique dans un récit où le héros est un personnage masculin.


Hormis celui d'Alexandra de Witt précité qui est le point de départ de la théorie de Gail Simone, voyons-en d'autres exemples :


- Gwen Stacy : premier véritable amour de Spider Man (et non, c'est pas Marry Jane !), Gwen est jetée du pont de Brooklyn par le Bouffon Vert. En tentant désespérément de la sauver, le héros lui brise la nuque, perdant ainsi à tout jamais celle qu'il aimait. Cet évènement traumatisant va marquer un tournant dans l'évolution du personnage le rendant plus brutal.




- Linda Park : épouse du super héros Flash, Linda est victime d'une attaque du professeur Zoom qui, bien que ratant sa tentative de meurtre, lui fait perdre les jumeaux qu'elle attendait. Une fois de plus, ce personnage et le malheur qui l'accable ne sont qu'un simple catalyseur pour le développement de Flash.


- Barbara Gordon alias Batgirl : Batgirl a eu le malheur d'exister dans le même univers que le Joker (fallait bien le caser quelque part celui-là). Souhaitant rendre fou le commissaire Gordon (père de Barbara), le Joker la bat, la torture et lui brise la colonne vertébrale la rendant paraplégique et prend des photos d'elle nue pour les montrer à son père. Cette scène fait d'ailleurs partie des plus choquantes de l'histoire des comics.



Toutefois, le mouvement initié par Gail Simone a porté ses fruits : le traitement des personnages féminins a évolué dans les comics et dans leurs adaptations cinématographiques. Si Capitain Marvel a imposé sa loi au cinéma et que Pepper Potts a survécu à 3 Iron Man, 4 Avengers et un Civil War, c'est donc en partie à Gail Simone qu'on le doit. S'il n'en demeure pas moins que des progrès restent encore à faire, on peut au moins se réjouir d'être sur le bon chemin.

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